Négoce. Déjà une bonne année que la maison Meukow a ouvert son circuit de visite. La famille Coste, qui dirige la société, juge la fréquentation encourageante. Le point.
Le 1er août 1862, Auguste-Christophe et Gustave Meukow créaient à Cognac la société A.C.Meukow & Co. Les deux frères, originaires de Silésie, avaient été dépêchés en Charente par le tsar de Russie, dont la cour avait soif de luxe et préférait le cognac à la bibine.
Le 1er août 2012, la maison a soufflé 150 bougies, Grande Champagne et petits plats au 26, rue Pascal Combeau : la fête fut belle. La famille Coste, qui dirige la société depuis 1979, inaugurait de nouveaux, grands et beaux bureaux dans l’ancienne miroiterie toute proche. Elle ouvrait également les portes de son circuit de visite, une étonnante promenade « de l’ambre à la lumière »…
Une table gourmande
Près de 2 millions d’euros ont été investis, dont environ 500 000 euros pour le seul circuit. Philippe Coste, le président de la société, et sa sœur Céline Viard, directrice du marketing, fondaient de grands espoirs dans cette nouvelle offre touristique à Cognac. « Une offre authentique, intime et différente ; une offre à l’image de la marque », déclarent-ils.
Une bonne année est passée. Aujourd’hui, la fréquentation est-elle à la hauteur des ambitions ? « Elle est encourageante », répond Philippe Coste, qui avance le chiffre de 600 visiteurs les bons mois, en comptant ceux qui prennent le temps de déjeuner au Chai, à la table de Sabine Lambert. Car l’originalité de la proposition Meukow est ici : dans ce restaurant pas comme les autres, dont l’accès est réservé aux visiteurs et aux membres d’un club dont nous reparlerons un peu plus loin.
Sabine Lambert (qui tenait autrefois le Cellier) ne cuisine que les produis du moment. Pas de carte, pas de chichi, mais une formule unique à 26 euros (entrée, plat et dessert), chaque jour différente, où l’on sublime les accords entre mets et cognacs. « Je privilégie les plats simples et goûteux. J’apprécie les recettes que l’on peut reproduire et adapter chez soi », dit le chef, qui préfère le plaisir à la sophistication.
En cuisine, Sabine Lambert a su imposer sa patte ; dans l’obscurité des anciens chais, là où le circuit de visite a été aménagé, la marque a su imposer sa griffe. Une panthère y rode et rugit, symbole de « force, d’élégance et de souplesse ». Une panthère virtuelle, emblème de la marque depuis 1995 (lire ci-dessous…)
La visite chez Meukow dure environ 45 minutes. Elle surprend. Le propos y est à la fois moderne et chaleureux. Pas de longues et fastidieuses explications sur les six crus du vignoble et la double distillation : priorité à l’émotion et aux sensations. Dans la dernière salle, aux allures de petit chai cathédrale, un zoom sur la verrerie rappelle que la réussite du cognac étincelle au croisement de trois aventures. L’une est agricole ; l’autre commerciale ; la dernière industrielle.
La notion de « brand trust »
600 visiteurs les bons mois : soyons francs, au regard de la qualité du parcours, le chiffre pourrait être meilleur. « C’est un début, l’important, c’est le sourire des gens à la sortie. Cet été, une ado de 14 ans, qui accompagnait ses parents, m’a dit « c’était loin d’être ennuyeux ». « Voilà le plus beau des compliments », témoigne Philippe Coste. Le patron est enthousiaste. Il veut ici cultiver le « brand trust », anglicisme barbare désignant une belle idée : « la confiance dans la marque ». A très court terme, la famille Coste mise sur 6000 visiteurs annuels. Elle a sollicité les autocaristes et propose désormais l’organisation de séminaires. Première réunion de ce type le 25 octobre.
Meukow compte aussi sur les Cognaçais pour développer son image. La maison a créé un club, dont les 200 adhérents peuvent, pour une cotisation de 55 euros par an, déjeuner au restaurant et participer à des évènements culturels, expos et concerts. D’ici quelques semaines, la société compte éditer des livres de cuisine numériques. Ces ouvrages constitueront une collection intitulée « Cook tales », traduisez cuisine et contes…
PRATIQUE – La visite coûte 10 euros, avec dégustation de trois cognacs. Ouvert de 10 heures à 17 heures. Infos et réservations au 05 45 82 32 10. Dates d’ouvertures sur le sitte www.visitemeukow.com
Le félin, fétiche de la Cie de Guyenne
En 1979, Michel Coste (le père de Philippe et Céline) rachète Meukow. Cet ancien directeur de la maison Otard, qui a aussi travaillé pour une compagnie pétrolière a fondé la Compagnie de Guyenne quelques années plus tôt. Son coup de génie ? Bousculer et rafraîchir l’image de Meukow. En 1995, il a l’idée de dessiner une panthère sur les bouteilles. Le félin symbolise « la force, l’élégance et la souplesse » des eaux-de-vie. Cette figure animale plaît aux marchés asiatiques. Pour la Cie de Guyenne, qui a fait de Meukow son fleuron, la panthère devient un véritable fétiche.
Aujourd’hui, le groupe, dont le siège est basé à Cognac, compte une petite centaine d’employés. Son chiffre d’affaires est d’environ 40 millions d’euros. La Cie de Guyenne commercialise du cognac (Meukow mais aussi Brugerolle), du pineau (marque Guérin, avec le concours du Saintongeais Gaudin), et bien d’autres alcools comme l’armagnac (marquis de Caussade), le rhum (Santiago de Cuba) ou le brandy.
Le groupe travaille, assemble et embouteille ses eaux-de-vie de Cognac sur son site industriel de Matha, en Charente Maritime.
Olivier SARAZIN, Sud Ouest, octobre 2013